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PAUL

qu’il faut préférer les avantages de la nature à tous ceux de la fortune, et que nous ne devons point aller chercher hors de nous ce que nous pouvons trouver chez nous. J’étends ces maximes à tout, sans exception. Mais que pouvoient mes conseils de modération contre les illusions d’une grande fortune, et mes raisons naturelles contre les préjugés du monde et une autorité sacrée pour madame de la Tour ? Cette dame ne me consulta donc que par bienséance, et elle ne délibéra plus depuis la décision de son confesseur. Marguerite même, qui, malgré les avantages qu’elle espéroit pour son fils de la fortune de Virginie, s’étoit opposée fortement à son départ, ne fit plus d’objections. Pour Paul, qui ignoroit le parti auquel on se déterminoit, étonné des conversations secretes de madame de la Tour et de sa fille, il s’abandonnoit à une tristesse sombre. « On trame quelque chose contre moi, dit-il, puisqu’on se cache de moi. »

Cependant le bruit s’étant répandu dans l’isle que la fortune avoit visité ces rochers, on y vit grimper des marchands de toute espece. Ils déployerent, au milieu de ces pauvres cabanes, les plus riches étoffes de l’Inde ;