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PAUL

la popularité du gouverneur, lui dit : « Je desire être votre ami, car vous êtes un honnête homme ». M. de la Bourdonnais reçut avec plaisir cette marque de cordialité insulaire. Il embrassa Paul en lui serrant la main, et l’assura qu’il pouvoit compter sur son amitié.

Après déjeûner il prit madame de la Tour en particulier, et lui dit qu’il se présentoit une occasion prochaine d’envoyer sa fille en France, sur un vaisseau prêt à partir ; qu’il la recommanderoit à une dame de ses parentes qui y étoit passagere ; qu’il falloit bien se garder d’abandonner une fortune immense pour une satisfaction de quelques années. « Votre tante, ajouta-t-il en s’en allant, ne peut pas traîner plus de deux ans : ses amis me l’ont mandé. Songez-y bien. La fortune ne vient pas tous les jours. Consultez-vous. Tous les gens de bon sens seront de mon avis ». Elle lui répondit « que ne désirant désormais d’autre bonheur dans le monde que celui de sa fille, elle laisseroit son départ pour la France entièrement à sa disposition. »

Madame de la Tour n’étoit pas fâchée de trouver une occasion de séparer pour quelque temps Virginie et Paul, en procurant un jour leur bonheur mutuel. Elle