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PAUL

vous réserve sa fortune, et vous attend auprès d’elle ». Madame de la Tour répondit au gouverneur que sa santé altérée ne lui permettoit pas d’entreprendre un si long voyage. « Au moins, reprit M. de la Bourdonnais, pour mademoiselle votre fille, si jeune et si aimable, vous ne sauriez sans injustice la priver d’une si grande succession. Je ne vous cache pas que votre tante a employé l’autorité pour la faire venir auprès d’elle. Les bureaux m’ont écrit à ce sujet d’user, s’il le falloit, de mon pouvoir ; mais ne l’exerçant que pour rendre heureux les habitants de cette colonie, j’attends de votre volonté seule un sacrifice de quelques années, d’où dépend l’établissement de votre fille, et le bien-être de toute votre vie. Pourquoi vient-on aux isles ? n’est-ce pas pour y faire fortune ? N’est-il pas bien plus agréable de l’aller retrouver dans sa patrie ? »

En disant ces mots il posa sur la table un gros sac de piastres que portoit un de ses noirs. « Voilà, ajouta-t-il, ce qui est destiné aux préparatifs de voyage de mademoiselle votre fille, de la part de votre tante ». Ensuite il finit par reprocher avec bonté à madame de