Page:Bernardin de Saint-Pierre - Paul et Virginie, Didot, 1806.djvu/186

Cette page a été validée par deux contributeurs.
77
ET VIRGINIE

parlé, en vain nous veillons sur eux, tout est à craindre ». Madame de la Tour lui répondit : « Ils sont trop jeunes et trop pauvres. Quel chagrin pour nous si Virginie mettoit au monde des enfants malheureux, qu’elle n’auroit peut-être pas la force d’élever ! Ton Noir Domingue est bien cassé ; Marie est infirme. Moi-même, chere amie, depuis quinze ans je me sens fort affoiblie. On vieillit promptement dans les pays chauds, et encore plus vîte dans le chagrin. Paul est notre unique espérance. Attendons que l’âge ait formé son tempérament, et qu’il puisse nous soutenir par son travail. À présent, tu le sais, nous n’avons guere que le nécessaire de chaque jour. Mais en faisant passer Paul dans l’Inde pour un peu de temps, le commerce lui fournira de quoi acheter quelque esclave : et à son retour ici nous le marierons à Virginie ; car je crois que personne ne peut rendre ma chere fille aussi heureuse que ton fils Paul. Nous en parlerons à notre voisin. »

En effet ces dames me consulterent, et je fus de leur avis. « Les mers de l’Inde sont belles, leur dis-je. En prenant une saison favorable pour passer d’ici aux