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ET VIRGINIE

çà et là de l’écume des torrents qui tarissoient de tous côtés. Pour le jardin, il étoit tout bouleversé par d’affreux ravins ; la plupart des arbres fruitiers avoient leurs racines en haut ; de grands amas de sable couvroient les lisieres des prairies, et avoient comblé le bain de Virginie. Cependant les deux cocotiers étoient debout et bien verdoyants ; mais il n’y avoit plus aux environs ni gazons, ni berceaux, ni oiseaux, excepté quelques bengalis qui, sur la pointe des rochers voisins, déploroient par des chants plaintifs la perte de leurs petits.

À la vue de cette désolation Virginie dit à Paul : « Vous aviez apporté ici des oiseaux, l’ouragan les a tués. Vous aviez planté ce jardin, il est détruit. Tout périt sur la terre ; il n’y a que le ciel qui ne change point ». Paul lui répondit : « Que ne puis-je vous donner quelque chose du ciel ! mais je ne possede rien même sur la terre ». Virginie reprit, en rougissant : « Vous avez à vous le portrait de saint Paul ». À peine eut-elle parlé qu’il courut le chercher dans la case de sa mere. Ce portrait étoit une petite miniature représentant l’hermite Paul. Marguerite y avoit une grande dévotion ;