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ET VIRGINIE

la plupart de leurs ruisseaux étoient desséchés. Aucun nuage ne venoit du côté de la mer. Seulement pendant le jour des vapeurs rousses s’élevoient de dessus ses plaines, et paraissoient au coucher du soleil comme les flammes d’un incendie. La nuit même n’apportoit aucun rafraîchissement à l’atmosphere embrasé. L’orbe de la lune, tout rouge, se levoit, dans un horizon embrumé, d’une grandeur démesurée. Les troupeaux abattus sur les flancs des collines, le cou tendu vers le ciel, aspirant l’air, faisoient retentir les vallons de tristes mugissements. Le cafre même qui les conduisoit se couchoit sur la terre pour y trouver de la fraîcheur ; mais par-tout le sol étoit brûlant, et l’air étouffant retentissoit du bourdonnement des insectes qui cherchoient à se désaltérer dans le sang des hommes et des animaux.

Dans une de ces nuits ardentes, Virginie sentit redoubler tous les symptômes de son mal. Elle se levoit, elle s’asseyoit, elle se recouchoit, et ne trouvoit dans aucune attitude ni le sommeil ni le repos. Elle s’achemine, à la clarté de la lune, vers sa fontaine ; elle en apperçoit la source qui, malgré la sécheresse, couloit