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PAUL

pauvre esclave fugitive. Tiens, ma bien-aimée, prends cette branche fleurie de citronnier que j’ai cueillie dans la forêt ; tu la mettras la nuit près de ton lit. Mange ce rayon de miel ; je l’ai pris pour toi au haut d’un rocher. Mais auparavant repose-toi sur mon sein, et je serai délassé ».

Virginie lui répondoit : « Ô mon frere ! les rayons du soleil au matin, au haut de ces rochers, me donnent moins de joie que ta présence. J’aime bien ma mere, j’aime bien la tienne ; mais quand elles t’appellent mon fils je les aime encore davantage. Les caresses qu’elles te font me sont plus sensibles que celles que j’en reçois. Tu me demandes pourquoi tu m’aimes : mais tout ce qui a été élevé ensemble, s’aime. Vois nos oiseaux ; élevés dans les mêmes nids, ils s’aiment comme nous ; ils sont toujours ensemble comme nous. Écoute comme ils s’appellent et se répondent d’un arbre à l’autre : de même quand l’écho me fait entendre les airs que tu joues sur ta flûte, au haut de la montagne, j’en répete les paroles au fond de ce vallon. Tu m’es cher, sur-tout depuis le jour où tu voulois te battre pour moi contre le maître de