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PAUL

autres petites rivieres, qui ne sont guere ici que de grands ruisseaux : nous y apportions de l’habitation des provisions végétales que nous joignions à celles que la mer nous fournissoit en abondance. Nous pêchions sur ses rivages des cabots, des polypes, des rougets, des langoustes, des chevrettes, des crabes, des oursins, des huîtres, et des coquillages de toute espece. Les sites les plus terribles nous procuroient souvent les plaisirs les plus tranquilles. Quelquefois, assis sur un rocher, à l’ombre d’un veloutier, nous voyions les flots du large venir se briser à nos pieds avec un horrible fracas. Paul, qui nageoit d’ailleurs comme un poisson, s’avançoit quelquefois sur les récifs au-devant des lames, puis à leur approche il fuyoit sur le rivage devant leurs grandes volutes écumeuses et mugissantes qui le poursuivoient bien avant sur la greve. Mais Virginie à cette vue jetoit des cris perçants, et disoit que ces jeux-là lui faisoient grand’peur.

Nos repas étoient suivis des chants et des danses de ces deux jeunes gens. Virginie chantoit le bonheur de la vie champêtre, et les malheurs des gens de mer que