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PAUL

la messe à l’église des Pamplemousses dont vous voyez le clocher là-bas dans la plaine. Il y venoit des habitants riches, en palanquin, qui s’empresserent plusieurs fois de faire la connoissance de ces familles si unies, et de les inviter à des parties de plaisir. Mais elles repousserent toujours leurs offres avec honnêteté et respect, persuadées que les gens puissants ne recherchent les foibles que pour avoir des complaisants, et qu’on ne peut être complaisant qu’en flattant les passions d’autrui, bonnes et mauvaises. D’un autre côté elles n’évitoient pas avec moins de soin l’accointance des petits habitants, pour l’ordinaire jaloux, médisants et grossiers. Elles passerent d’abord auprès des uns pour timides, et auprès des autres pour fieres ; mais leur conduite réservée étoit accompagnée de marques de politesse si obligeantes, sur-tout envers les misérables, qu’elles acquirent insensiblement le respect des riches et la confiance des pauvres.

Après la messe on venoit souvent les requérir de quelque bon office. C’étoit une personne affligée qui leur demandoit des conseils, ou un enfant qui les prioit de passer chez sa mere malade dans un des quartiers