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ET VIRGINIE

amie des hommes : ce sentiment de confiance dans le pouvoir suprême les remplissoit de consolation pour le passé, de courage pour le présent, et d’espérance pour l’avenir. Voilà comme ces femmes, forcées par le malheur de rentrer dans la nature, avoient développé en elles-mêmes et dans leurs enfants ces sentiments que donne la nature pour nous empêcher de tomber dans le malheur.

Mais comme il s’éleve quelquefois dans l’ame la mieux réglée des nuages qui la troublent, quand quelque membre de leur société paraissoit triste, tous les autres se réunissoient autour de lui, et l’enlevoient aux pensées ameres, plus par des sentiments que par des réflexions. Chacun y employoit son caractere particulier ; Marguerite, une gaieté vive ; madame de la Tour, une théologie douce ; Virginie, des caresses tendres ; Paul, de la franchise et de la cordialité : Marie et Domingue même venoient à son secours. Ils s’affligeoient s’ils le voyoient affligé, et ils pleuroient s’ils le voyoient pleurer. Ainsi des plantes foibles s’entrelacent ensemble pour résister aux ouragans.

Dans la belle saison ils alloient tous les dimanches à