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PAUL

quittoient leurs buissons ; des perruches vertes comme des émeraudes descendoient des lataniers voisins ; des perdrix accouroient sous l’herbe : tous s’avançoient pêle-mêle jusqu’à ses pieds comme des poules. Paul et elle s’amusoient avec transport de leurs jeux, de leurs appétits, et de leurs amours.

Aimables enfants, vous passiez ainsi dans l’innocence vos premiers jours en vous exerçant aux bienfaits ! Combien de fois dans ce lieu vos meres, vous serrant dans leurs bras, bénissoient le ciel de la consolation que vous prépariez à leur vieillesse, et de vous voir entrer dans la vie sous de si heureux auspices ! Combien de fois, à l’ombre de ces rochers, ai-je partagé avec elles vos repas champêtres qui n’avoient coûté la vie à aucun animal ! des calebasses pleines de lait, des œufs frais, des gâteaux de riz sur des feuilles de bananier, des corbeilles chargées de patates, de mangues, d’oranges, de grenades, de bananes, d’attes, d’ananas, offroient à la fois les mets les plus sains, les couleurs les plus gaies, et les sucs les plus agréables.

La conversation étoit aussi douce et aussi innocente que ces festins : Paul y parloit souvent des travaux du