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ET VIRGINIE

attirés par ces retraites paisibles, y venoient passer la nuit. Au coucher du soleil on y voyoit voler le long des rivages de la mer le corbigeau et l’alouette marine, et au haut des airs la noire frégate, avec l’oiseau blanc du tropique, qui abandonnoient, ainsi que l’astre du jour, les solitudes de l’océan indien. Virginie aimoit à se reposer sur les bords de cette fontaine, décorée d’une pompe à la fois magnifique et sauvage. Souvent elle y venoit laver le linge de la famille à l’ombre des deux cocotiers. Quelquefois elle y menoit paître ses chevres. Pendant qu’elle préparoit des fromages avec leur lait, elle se plaisoit à les voir brouter les capillaires sur les flancs escarpés de la roche, et se tenir en l’air sur une de ses corniches comme sur un piédestal. Paul, voyant que ce lieu étoit aimé de Virginie, y apporta de la forêt voisine des nids de toute sorte d’oiseaux. Les peres et les meres de ces oiseaux suivirent leurs petits, et vinrent s’établir dans cette nouvelle colonie. Virginie leur distribuoit de temps en temps des grains de riz, de maïs et de millet : dès qu’elle paraissoit, les merles siffleurs, les bengalis, dont le ramage est si doux, les cardinaux, dont le plumage est couleur de feu,