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PAUL

l’un se nommoit l’arbre de Paul, et l’autre, l’arbre de Virginie. Ils crurent tous deux, dans la même proportion que leurs jeunes maîtres, d’une hauteur un peu inégale, mais qui surpassoit au bout de douze ans celle de leurs cabanes. Déja ils entrelaçoient leurs palmes, et laissoient pendre leurs jeunes grappes de cocos au-dessus du bassin de la fontaine. Excepté cette plantation on avoit laissé cet enfoncement du rocher tel que la nature l’avoit orné. Sur ses flancs bruns et humides rayonnoient en étoiles vertes et noires de larges capillaires, et flottoient au gré des vents des touffes de scolopendre suspendues comme de longs rubans d’un verd pourpré. Près de là croissoient des lisieres de pervenche, dont les fleurs sont presque semblables à celles de la giroflée rouge, et des piments, dont les gousses couleur de sang sont plus éclatantes que le corail. Aux environs, l’herbe de baume, dont les feuilles sont en cœur, et les basilics à odeur de girofle, exhaloient les plus doux parfums. Du haut de l’escarpement de la montagne pendoient des lianes semblables à des draperies flottantes, qui formoient sur les flancs des rochers de grandes courtines de verdure. Les oiseaux de mer,