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ET VIRGINIE

ils avoient planté un calebassier. Ainsi, par ces productions de leurs climats, ces familles expatriées entretenoient les douces illusions de leur pays, et en calmoient les regrets dans une terre étrangere. Hélas ! j’ai vu s’animer de mille appellations charmantes les arbres, les fontaines, les rochers de ce lieu maintenant si bouleversé, et qui, semblable à un champ de la Grece, n’offre plus que des ruines et des noms touchants.

Mais de tout ce que renfermoit cette enceinte rien n’étoit plus agréable que ce qu’on appeloit le repos de Virginie. Au pied du rocher la découverte de l’amitié est un enfoncement d’où sort une fontaine, qui forme dès sa source une petite flaque d’eau, au milieu d’un pré d’une herbe fine. Lorsque Marguerite eut mis Paul au monde je lui fis présent d’un coco des Indes qu’on m’avoit donné. Elle planta ce fruit sur le bord de cette flaque d’eau, afin que l’arbre qu’il produiroit servît un jour d’époque à la naissance de son fils. Madame de la Tour, à son exemple, y en planta un autre dans une semblable intention dès qu’elle fut accouchée de Virginie. Il naquit de ces deux fruits deux cocotiers, qui formoient toutes les archives de ces deux familles ;