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PAUL

Mais Virginie n’approuvoit point mon latin ; elle disoit que ce que j’avois mis au pied de sa girouette étoit trop long et trop savant : « J’eusse mieux aimé, ajoutoit-elle, toujours agitée, mais constante. — Cette devise, lui répondis-je, conviendroit encore mieux à la vertu. » Ma réflexion la fit rougir.

Ces familles heureuses étendoient leurs ames sensibles à tout ce qui les environnoit. Elles avoient donné les noms les plus tendres aux objets en apparence les plus indifférents. Un cercle d’orangers, de bananiers et de jam-roses plantés autour d’une pelouse, au milieu de laquelle Virginie et Paul alloient quelquefois danser, se nommoit la concorde. Un vieux arbre, à l’ombre duquel madame de la Tour et Marguerite s’étoient raconté leurs malheurs, s’appeloit les pleurs essuyés. Elles faisoient porter les noms de Bretagne et de Normandie à de petites portions de terre où elles avoient semé du bled, des fraises et des pois. Domingue et Marie désirant, à l’imitation de leurs maîtresses, se rappeler les lieux de leur naissance en Afrique, appeloient Angola et Foullepointe deux endroits où croissoit l’herbe dont ils faisoient des paniers, et où