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ET VIRGINIE

jusque dans les lieux les plus stériles de cet enclos. Diverses especes d’aloès, la raquette chargée de fleurs jaunes fouettées de rouge, les cierges épineux, s’élevoient sur les têtes noires des roches, et sembloient vouloir atteindre aux longues lianes, chargées de fleurs bleues ou écarlates, qui pendoient çà et là le long des escarpements de la montagne.

Il avoit disposé ces végétaux de maniere qu’on pouvoit jouir de leur vue d’un seul coup-d’œil. Il avoit planté au milieu de ce bassin les herbes qui s’élevent peu, ensuite les arbrisseaux, puis les arbres moyens, et enfin les grands arbres qui en bordoient la circonférence ; de sorte que ce vaste enclos paraissoit de son centre comme un amphithéâtre de verdure, de fruits et de fleurs, renfermant des plantes potageres, des lisieres de prairies, et des champs de riz et de bled. Mais en assujettissant ces végétaux à son plan il ne s’étoit pas écarté de celui de la nature ; guidé par ses indications, il avoit mis dans les lieux élevés ceux dont les semences sont volatiles, et sur le bord des eaux ceux dont les graines sont faites pour flotter : ainsi chaque végétal croissoit dans son site propre, et