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PAUL

Paul, à l’âge de douze ans, plus robuste et plus intelligent que les Européens à quinze, avoit embelli ce que le noir Domingue ne faisoit que cultiver. Il alloit avec lui dans les bois voisins déraciner de jeunes plants de citronniers, d’orangers, de tamarins dont la tête ronde est d’un si beau verd, et d’attiers dont le fruit est plein d’une crême sucrée qui a le parfum de la fleur d’orange ; il plantoit ces arbres déja grands autour de cette enceinte. Il y avoit semé des graines d’arbres qui dès la seconde année portent des fleurs ou des fruits, tels que l’agathis, où pendent tout autour, comme les crystaux d’un lustre, de longues grappes de fleurs blanches ; le lilas de Perse, qui éleve droit en l’air ses girandoles gris de lin ; le papayer, dont le tronc sans branches, formé en colonne hérissée de melons verds, porte un chapiteau de larges feuilles semblables à celle du figuier.

Il y avoit planté encore des pepins et des noyaux de badamiers, de manguiers, d’avocats, de goyaviers, de jacqs et de jam-roses. La plupart de ces arbres donnoient déja à leur jeune maître de l’ombrage et des fruits. Sa main laborieuse avoit répandu la fécondité