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mouillé des larmes de sa mere, lui dit : « Vous me payez de tout le mal que j’ai souffert » ! Marguerite, ravie de joie, serroit Paul dans ses bras, et lui disoit : « Et toi aussi, mon fils, tu as fait une bonne action ». Quand elles furent arrivées dans leur case avec leurs enfants elles donnerent bien à manger aux noirs marons, qui s’en retournerent dans leurs bois en leur souhaitant toute sorte de prospérités.

Chaque jour étoit pour ces familles un jour de bonheur et de paix. Ni l’envie ni l’ambition ne les tourmentoient. Elles ne désiroient point au dehors une vaine réputation que donne l’intrigue, et qu’ôte la calomnie ; il leur suffisoit d’être à elles-mêmes leurs témoins et leurs juges. Dans cette isle où, comme dans toutes les colonies européennes, on n’est curieux que d’anecdotes malignes, leurs vertus et même leurs noms étoient ignorés ; seulement quand un passant demandoit sur le chemin des Pamplemousses à quelques habitants de la plaine : « Qui est-ce qui demeure là-haut dans ces petites cases » ? ceux-ci répondoient sans les connoître : « Ce sont de bonnes gens ». Ainsi des violettes, sous des buissons épineux, exhalent au