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ET VIRGINIE

cette joie étoit troublée par l’inquiétude où ils se doutoient bien que leur longue absence de la maison jetteroit leurs meres. Virginie revenoit souvent sur cet objet ; cependant Paul, qui sentoit ses forces rétablies, l’assura qu’ils ne tarderoient pas à tranquilliser leurs parents.

Après dîner ils se trouverent bien embarrassés ; car ils n’avoient plus de guide pour les reconduire chez eux. Paul, qui ne s’étonnoit de rien, dit à Virginie : « Notre case est vers le soleil du milieu du jour ; il faut que nous passions, comme ce matin, par-dessus cette montagne que tu vois là-bas avec ses trois pitons. Allons, marchons, mon amie ». Cette montagne étoit celle des Trois-mamelles[1], ainsi nommée parceque ses

  1. Il y a beaucoup de montagnes dont les sommets sont arrondis en forme de mamelles, et qui en portent le nom dans toutes les langues. Ce sont en effet de véritables mamelles ; car ce sont d’elles que découlent beaucoup de rivieres et de ruisseaux qui répandent l’abondance sur la terre. Elles sont les sources des principaux fleuves qui l’arrosent, et elles fournissent constamment à leurs eaux en attirant sans cesse les nuages autour du piton de rocher qui les surmonte à leur centre comme un mamelon. Nous avons indiqué ces prévoyances admirables de la nature dans nos Études précédentes.