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ET VIRGINIE

tamarin ou un citron pour te rafraîchir. — Dieu aura pitié de nous, reprit Virginie ; il exauce la voix des petits oiseaux qui lui demandent de la nourriture ». À peine avoit-elle dit ces mots qu’ils entendirent le bruit d’une source qui tomboit d’un rocher voisin. Ils y coururent, et après s’être désaltérés avec ses eaux plus claires que le crystal, ils cueillirent et mangerent un peu de cresson qui croissoit sur ses bords. Comme ils regardoient de côté et d’autre s’ils ne trouveroient pas quelque nourriture plus solide, Virginie apperçut parmi les arbres de la forêt un jeune palmiste. Le chou que la cime de cet arbre renferme au milieu de ses feuilles est un fort bon manger ; mais quoique sa tige ne fût pas plus grosse que la jambe, elle avoit plus de soixante pieds de hauteur. À la vérité le bois de cet arbre n’est formé que d’un paquet de filaments, mais son aubier est si dur qu’il fait rebrousser les meilleures haches ; et Paul n’avoit pas même un couteau. L’idée lui vint de mettre le feu au pied de ce palmiste : autre embarras ; il n’avoit point de briquet, et d’ailleurs dans cette isle si couverte de rochers je ne crois pas qu’on puisse trouver une seule pierre à fusil. La nécessité donne de l’indus-