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ET VIRGINIE

jeta à son cou, et la serrant dans ses bras : « Chere amie, s’écria-t-elle, chere amie » ! mais ses propres sanglots étoufferent sa voix. À ce spectacle Virginie, fondant en larmes, pressoit alternativement les mains de sa mere et celles de Marguerite contre sa bouche et contre son cœur ; et Paul, les yeux enflammés de colere, crioit, serroit les poings, frappoit du pied, ne sachant à qui s’en prendre. À ce bruit Domingue et Marie accoururent, et l’on n’entendit plus dans la case que ces cris de douleur : « Ah, madame ! … ma bonne maîtresse ! … ma mere ! … ne pleurez pas. » De si tendres marques d’amitié dissiperent le chagrin de madame de la Tour. Elle prit Paul et Virginie dans ses bras, et leur dit d’un air content : « Mes enfants, vous êtes cause de ma peine ; mais vous faites toute ma joie. Oh ! mes chers enfants, le malheur ne m’est venu que de loin ; le bonheur est autour de moi ». Paul et Virginie ne la comprirent pas, mais quand ils la virent tranquille ils sourirent, et se mirent à la caresser. Ainsi ils continuerent tous d’être heureux, et ce ne fut qu’un orage au milieu d’une belle saison.

Le bon naturel de ces enfants se développoit de jour en jour. Un dimanche, au lever de l’aurore, leurs meres