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PAUL

mere, elle ne craignit plus la honte des refus. Elle manda à sa tante la mort inattendue de son mari, la naissance de sa fille, et l’embarras où elle se trouvoit, loin de son pays, dénuée de support, et chargée d’un enfant. Elle n’en reçut point de réponse. Elle qui étoit d’un caractere élevé, ne craignit plus de s’humilier, et de s’exposer aux reproches de sa parente, qui ne lui avoit jamais pardonné d’avoir épousé un homme sans naissance, quoique vertueux. Elle lui écrivoit donc par toutes les occasions afin d’exciter sa sensibilité en faveur de Virginie. Mais bien des années s’étoient écoulées sans recevoir d’elle aucune marque de souvenir.

Enfin en 1738, trois ans après l’arrivée de M. de la Bourdonnais dans cette isle, madame de la Tour apprit que ce gouverneur avoit à lui remettre une lettre de la part de sa tante. Elle courut au Port-Louis sans se soucier cette fois d’y paroître mal vêtue, la joie maternelle la mettant au-dessus du respect humain. M. de la Bourdonnais lui donna en effet une lettre de sa tante. Celle-ci mandoit à sa niece qu’elle avoit mérité son sort pour avoir épousé un aventurier, un libertin ; que