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PAUL

fournissoit à la fois des mets tout préparés dans leurs fruits substantiels, et du linge de table dans leurs feuilles larges, longues, et lustrées. Une nourriture saine et abondante développoit rapidement les corps de ces deux jeunes gens, et une éducation douce peignoit dans leur physionomie la pureté et le contentement de leur ame. Virginie n’avoit que douze ans ; déja sa taille étoit plus qu’à demi formée ; de grands cheveux blonds ombrageoient sa tête ; ses yeux bleus et ses levres de corail brilloient du plus tendre éclat sur la fraîcheur de son visage : ils sourioient toujours de concert quand elle parloit ; mais quand elle gardoit le silence, leur obliquité naturelle vers le ciel leur donnoit une expression d’une sensibilité extrême, et même celle d’une légere mélancolie. Pour Paul, on voyoit déja se développer en lui le caractere d’un homme au milieu des graces de l’adolescence. Sa taille étoit plus élevée que celle de Virginie, son teint plus rembruni, son nez plus aquilin, et ses yeux, qui étoient noirs, auroient eu un peu de fierté, si les longs cils qui rayonnoient autour comme des pinceaux ne leur avoient donné la plus grande douceur. Quoiqu’il fût toujours en mouvement, dès