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ET VIRGINIE

leurs cous, et endormis dans les bras l’un de l’autre.

Lorsqu’ils surent parler les premiers noms qu’ils apprirent à se donner furent ceux de frere et de sœur. L’enfance, qui connoît des caresses plus tendres, ne connoît point de plus doux noms. Leur éducation ne fit que redoubler leur amitié en la dirigeant vers leurs besoins réciproques. Bientôt tout ce qui regarde l’économie, la propreté, le soin de préparer un repas champêtre, fut du ressort de Virginie, et ses travaux étoient toujours suivis des louanges et des baisers de son frere. Pour lui, sans cesse en action, il bêchoit le jardin avec Domingue, ou, une petite hache à la main, il le suivoit dans les bois ; et si dans ces courses une belle fleur, un bon fruit, ou un nid d’oiseaux se présentoient à lui, eussent-ils été au haut d’un arbre, il l’escaladoit pour les apporter à sa sœur.

Quand on en rencontroit un quelque part on étoit sûr que l’autre n’étoit pas loin. Un jour que je descendois du sommet de cette montagne, j’apperçus à l’extrémité du jardin Virginie qui accouroit vers la maison, la tête couverte de son jupon qu’elle avoit relevé par derriere, pour se mettre à l’abri d’une ondée de pluie.