Page:Bernardin de Saint-Pierre - Paul et Virginie, Didot, 1806.djvu/117

Cette page a été validée par deux contributeurs.
13
ET VIRGINIE

la Tour, dont il avoit épousé la négresse à la naissance de Virginie. Il aimoit passionnément sa femme, qui s’appeloit Marie. Elle étoit née à Madagascar, d’où elle avoit apporté quelque industrie, sur-tout celle de faire des paniers et des étoffes appelées pagnes, avec des herbes qui croissent dans les bois. Elle étoit adroite, propre, et très fidele. Elle avoit soin de préparer à manger, d’élever quelques poules, et d’aller de temps en temps vendre au Port-Louis le superflu de ces deux habitations, qui étoit bien peu considérable. Si vous y joignez deux chevres élevées près des enfants, et un gros chien qui veilloit la nuit au dehors, vous aurez une idée de tout le revenu et de tout le domestique de ces deux petites métairies.

Pour ces deux amies, elles filoient du matin au soir du coton. Ce travail suffisoit à leur entretien et à celui de leurs familles ; mais d’ailleurs elles étoient si dépourvues de commodités étrangeres qu’elles marchoient nu-pieds dans leur habitation, et ne portoient de souliers que pour aller le dimanche de grand matin à la messe à l’église des Pamplemousses que vous voyez là-bas. Il y a cependant bien plus loin qu’au Port-