Page:Bernardin de Saint-Pierre - Paul et Virginie, Didot, 1806.djvu/116

Cette page a été validée par deux contributeurs.
12
PAUL

déja sur l’âge. Il avoit de l’expérience et un bon sens naturel. Il cultivoit indifféremment sur les deux habitations les terrains qui lui sembloient les plus fertiles, et il y mettoit les semences qui leur convenoient le mieux. Il semoit du petit mil et du maïs dans les endroits médiocres, un peu de froment dans les bonnes terres, du riz dans les fonds marécageux ; et au pied des roches, des giraumons, des courges et des concombres, qui se plaisent à y grimper. Il plantoit dans les lieux secs des patates qui y viennent très sucrées, des cotonniers sur les hauteurs, des cannes à sucre dans les terres fortes, des pieds de café sur les collines, où le grain est petit, mais excellent ; le long de la riviere et autour des cases, des bananiers qui donnent toute l’année de longs régimes de fruits avec un bel ombrage, et enfin quelques plantes de tabac pour charmer ses soucis et ceux de ses bonnes maîtresses. Il alloit couper du bois à brûler dans la montagne, et casser des roches çà et là dans les habitations pour en aplanir les chemins. Il faisoit tous ces ouvrages avec intelligence et activité, parcequ’il les faisoit avec zele. Il étoit fort attaché à Marguerite ; et il ne l’étoit guere moins à madame de