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ET VIRGINIE

montagne ; j’ai apporté des feuilles de latanier des bords de la mer pour construire ces deux cabanes, où vous ne voyez plus maintenant ni porte ni couverture. Hélas ! il n’en reste encore que trop pour mon souvenir ! Le temps, qui détruit si rapidement les monuments des empires, semble respecter dans ces déserts ceux de l’amitié, pour perpétuer mes regrets jusqu’à la fin de ma vie.

À peine la seconde de ces cabanes étoit achevée que madame de la Tour accoucha d’une fille. J’avois été le parrain de l’enfant de Marguerite, qui s’appeloit Paul. Madame de la Tour me pria aussi de nommer sa fille conjointement avec son amie. Celle-ci lui donna le nom de Virginie. « Elle sera vertueuse, dit-elle, et elle sera heureuse. Je n’ai connu le malheur qu’en m’écartant de la vertu ».

Lorsque madame de la Tour fut relevée de ses couches ces deux petites habitations commencerent à être de quelque rapport, à l’aide des soins que j’y donnois de temps en temps, mais sur-tout par les travaux assidus de leurs esclaves. Celui de Marguerite, appelé Domingue, étoit un noir iolof, encore robuste, quoique