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PAUL

Tour fut émue de pitié ; et, voulant mériter sa confiance plutôt que son estime, elle lui avoua sans lui rien déguiser l’imprudence dont elle s’étoit rendue coupable. « Pour moi, dit-elle, j’ai mérité mon sort ; mais vous, madame, … vous, sage et malheureuse » ! Et elle lui offrit en pleurant sa cabane et son amitié. Madame de la Tour, touchée d’un accueil si tendre, lui dit en la serrant dans ses bras : « Ah ! Dieu veut finir mes peines, puisqu’il vous inspire plus de bonté envers moi qui vous suis étrangere, que jamais je n’en ai trouvé dans mes parents. »

Je connoissois Marguerite, et quoique je demeure à une lieue et demie d’ici, dans les bois, derriere la Montagne-Longue, je me regardois comme son voisin. Dans les villes d’Europe une rue, un simple mur, empêchent les membres d’une même famille de se réunir pendant des années entieres ; mais dans les colonies nouvelles on considere comme ses voisins ceux dont on n’est séparé que par des bois et par des montagnes. Dans ce temps-là sur-tout, où cette isle faisoit peu de commerce aux Indes, le simple voisinage y étoit un titre d’amitié, et l’hospitalité envers les étrangers un