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ET VIRGINIE

dans leur enceinte, où tout est paisible, l’air, les eaux et la lumiere. À peine l’écho y répete le murmure des palmistes qui croissent sur leurs plateaux élevés, et dont on voit les longues fleches toujours balancées par les vents. Un jour doux éclaire le fond de ce bassin, où le soleil ne luit qu’à midi ; mais dès l’aurore ses rayons en frappent le couronnement, dont les pics s’élevant au-dessus des ombres de la montagne, paraissent d’or et de pourpre sur l’azur des cieux.

J’aimois à me rendre dans ce lieu où l’on jouit à la fois d’une vue immense et d’une solitude profonde. Un jour que j’étois assis au pied de ces cabanes, et que j’en considérois les ruines, un homme déja sur l’âge vint à passer aux environs. Il étoit, suivant la coutume des anciens habitants, en petite veste et en long caleçon. Il marchoit nu-pieds, et s’appuyoit sur un bâton de bois d’ébene. Ses cheveux étoient tout blancs, et sa physionomie noble et simple. Je le saluai avec respect. Il me rendit mon salut, et m’ayant considéré un moment, il s’approcha de moi, et vint se reposer sur le tertre où j’étois assis. Excité par cette marque de confiance, je lui adressai la parole : « Mon pere,