Page:Bernardin de Saint-Pierre - Paul et Virginie, Didot, 1806.djvu/101

Cette page a été validée par deux contributeurs.
( lxxxix )

d’un fleuve, mais comme des vents déchaînés qui bouleversent une mer ; 3° il a fallu une force d’inertie qui les ait fixés chacun dans le lieu où ils sont à présent, immobiles dans les cieux, dans toutes sortes de projections, comme des vaisseaux surpris après une tempête dans la mer glaciale, par le vent du nord. Qu’étoit devenue alors la force d’attraction universelle, unique, inhérente à la matiere, et qui devoit la rendre inséparable ? Il me semble que si elle eût agi seule, entre les astres supposés dans un état de mollesse, loin de les fixer en blocs, en globes, en points fixes dans le ciel, et en équilibre, ils se fussent, en s’attirant mutuellement, alongés et croisés les uns vers les autres par rayons, comme ceux de nos soleils de feux d’artifice. Mais ce n’est pas tout : parmi tant d’étoiles fixes que l’attraction rend immobiles aujourd’hui, comment se trouve-t-il des planetes qui se sont soustraites à son pouvoir, qui, au contraire, tournent sans cesse autour d’un soleil immobile qui les attire ? Il a donc fallu encore une nouvelle force oblique qui les empêchât de s’y précipiter, de maniere que de ses deux forces il en résultât une troisieme qui les obligeât de circuler autour de lui.

Que de lois diverses et contraires à la loi unique de l’attraction permanente et réciproque des astres ! que de nouvelles objections à faire !

Bayle raconte que, de son temps, un habile physicien essaya de mettre un petit corps dans un simple équilibre, au moyen de l’attraction. Il disposa donc, dans le repos de son cabinet, plusieurs aimants au foyer desquels il mit en l’air un globule de fer, mais jamais il ne put l’y maintenir un seul instant. Comment donc pourrions-nous croire