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astronomie, trop rarement reconnoissante, a donné à cette planete le nom d’Herschel. Mais combien de noms d’amis ne pourroit-il pas donner lui-même à ce nombre prodigieux d’étoiles qu’il découvre toutes les nuits à des distances incalculables, grouppées deux à deux, trois à trois, quatre à quatre, par milliers et par millions, sur les mêmes plans, ou à la suite les unes des autres dans la profondeur du firmament ! Pouvons-nous bien croire que ces soleils lointains se maintiennent immobiles à des distances infinies, seulement par la loi unique et universelle d’une mutuelle et réciproque attraction ?

Si j’ose en dire ma pensée, je trouve cette idée, qui a aujourd’hui tant de partisans en France, remplie de contradictions. Il faut d’abord supposer que l’univers est infini, et qu’il est rempli d’étoiles attirantes et attirées ; car s’il avoit des limites, ou seulement çà et là quelques déserts, les astres qui se trouveroient dans leur voisinage s’écrouleroient nécessairement vers le centre du système, n’ayant aucun corps attirant qui les maintînt fixes sur ses bords.

Ce n’est pas tout : en accordant aux Newtoniens que l’attraction est une propriété universelle de la matiere, ils doivent convenir eux-mêmes que toutes les parties de cette matiere qui s’attiroient de toutes parts n’ont dû faire, avant de se séparer, qu’une seule masse de l’univers. Il a donc fallu, 1° qu’une multitude de forces particulieres et centripetes l’ait divisée par blocs, et ait arrondi ces blocs en globes ; 2° que des forces centrifuges aient succédé aux centripetes pour chasser ces globes à des distances prodigieuses les uns des autres, non seulement dans une même direction, comme le cours