Page:Bernard - La science expérimentale.djvu/94

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

temps. Ce serait donc une illusion que de prétendre absorber les découvertes particulières d’une science au profit d’une méthode ou d’un système philosophique quelconque. En un mot, si les savants sont utiles aux philosophes et les philosophes aux savants, le savant n’en reste pas moins libre et complétement maître chez lui, et je pense, quant à moi, que les savants dans leurs laboratoires font leurs découvertes, leurs théories et leur science sans les philosophes. Joseph de Maistre a dit que ceux qui ont fait le plus de découvertes dans la science sont ceux qui ont le moins connu Bacon[1] ; ceux qui l’ont lu et médité, ainsi que Bacon lui-même, n’y ont souvent guère réussi.

C’est qu’en effet l’art d’obtenir le déterminisme des phénomènes à l’aide des procédés et des méthodes scientifiques ne s’apprend que dans les laboratoires, où l’expérimentateur est aux prises avec les problèmes de la nature. Quand on est en face de phénomènes dont il

  1. Joseph de Maistre, Examen de la Philosophie de Bacon, t. Ier, p. 81.