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tout entière. De même un édifice s’écroule quand on enlève une de ses pierres fondamentales.

En résumé, c’est donc le manque d’oxygène ou l’asphyxie qui amène la mort dans l’empoisonnement par le curare. S’il en est ainsi, c’est l’oxygène qu’il faut rendre pour rappeler à la vie, et le contre-poison sera simplement la respiration artificielle, c’est-à-dire un soufflet qui, remplaçant les mouvements respiratoires éteints, introduira graduellement, et avec les précautions convenables, de l’air pur dans les poumons. On peut dire alors qu’on tient dans ses mains l’existence de l’individu empoisonné, et la vie nous apparaît comme un pur mécanisme dont nous pouvons faire mouvoir les rouages, mais que nous ne pouvons localiser dans aucun d’eux exclusivement ; elle n’est nulle part et se rencontre partout.

Sous l’influence de la respiration artificielle, le sang continuera donc à circuler et à se charger d’oxygène : de cette manière, les éléments organiques que le curare n’a pas atteints continueront à vivre ; mais le poison lui-même, en circulant avec le sang, finira par s’éliminer