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du raisonnement expérimental.

doit encore douter ; car comme il s’agit d’une vérité inconsciente, sa raison lui demande encore une contre-épreuve.

§ VII. — Du principe du critérium expérimental.

Nous venons de dire qu’il faut douter, mais ne point être sceptique. En effet, le sceptique, qui ne croit à rien, n’a plus de base pour établir son critérium, et par conséquent il se trouve dans l’impossibilité d’édifier la science ; la stérilité de son triste esprit résulte à la fois des défauts de son sentiment et de l’imperfection de sa raison. Après avoir posé en principe que l’investigateur doit douter, nous avons ajouté que le doute ne portera que sur la justesse de son sentiment ou de ses idées en tant qu’expérimentateur, ou sur la valeur de ses moyens d’investigation, en tant qu’observateur, mais jamais sur le déterminisme, le principe même de la science expérimentale. Revenons en quelques mots sur ce point fondamental.

L’expérimentateur doit douter de son sentiment, c’est-à-dire de l’idée à priori ou de la théorie qui lui servent de point de départ ; c’est pourquoi il est de précepte absolu de soumettre toujours son idée au critérium expérimental pour en contrôler la valeur. Mais quelle est au juste la base de ce critérium expérimental ? Cette question pourra paraître superflue après avoir dit et répété avec tout le monde que ce sont les faits qui jugent l’idée et nous donnent l’expérience. Les faits seuls sont réels, dit-on, et il faut s’en rapporter à eux d’une ma-