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de l’idée à priori et du doute.

effet, on raisonne par une déduction logique que l’on ne soumet pas à l’expérience, parce qu’on admet, comme en mathématiques, que, le principe étant vrai, les conséquences le sont aussi. Toutefois, il y a là une grande différence à signaler, en ce sens que le point de départ n’est plus ici une vérité subjective et consciente, mais une vérité objective et inconsciente empruntée à l’observation ou à l’expérience. Or, cette vérité n’est jamais que relative au nombre d’expériences et d’observations qui ont été faites. Si jusqu’à présent aucune observation n’a démenti la vérité en question, l’esprit ne conçoit pas pour cela l’impossibilité que les choses se passent autrement. De sorte que c’est toujours par hypothèse qu’on admet le principe absolu. C’est pourquoi l’application de l’analyse mathématique à des phénomènes naturels, quoique très simples, peut avoir des dangers si la vérification expérimentale est repoussée d’une manière complète. Dans ce cas, l’analyse mathématique devient un instrument aveugle si on ne la retrempe de temps en temps au foyer de l’expérience. J’exprime ici une pensée émise par beaucoup de grands mathématiciens et de grands physiciens, et, pour rapporter une des opinions les plus autorisées en pareille matière, je citerai ce que mon savant confrère et ami M. J. Bertrand a écrit à ce sujet dans son bel éloge de Sénarmont : « La géométrie ne doit être pour le physicien qu’un puissant auxiliaire : quand elle a poussé les principes à leurs dernières conséquences, il lui est impossible de faire davantage, et l’incertitude du point de départ ne peut que s’ac-