Page:Bernard - Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, Baillière, 1865.djvu/395

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
389
obstacles que rencontre la méd. expérimentale.

nous en montre beaucoup d’autres à faire ; c’est ce sentiment qu’exprime Pascal[1], sous une forme paradoxale peut-être quand il dit : « Nous ne cherchons jamais les choses, mais la recherche des choses. » Pourtant c’est bien la vérité elle-même qui nous intéresse, et si nous la cherchons toujours, c’est parce que ce que nous en avons trouvé jusqu’à présent ne peut nous satisfaire. Sans cela nous ferions dans nos recherches ce travail inutile et sans fin que nous représente la fable de Sisyphe qui roule toujours son rocher qui retombe sans cesse au point de départ. Cette comparaison n’est point exacte scientifiquement ; le savant monte toujours en cherchant la vérité, et s’il ne la trouve jamais tout entière, il en découvre néanmoins des fragments très importants, et ce sont précisément ces fragments de la vérité générale qui constituent la science.

Le savant ne cherche donc pas pour le plaisir de chercher, il cherche la vérité pour la posséder, et il la possède déjà dans des limites qu’expriment les sciences elles-mêmes dans leur état actuel. Mais le savant ne doit pas s’arrêter en chemin ; il doit toujours s’élever plus haut et tendre à la perfection ; il doit toujours chercher tant qu’il voit quelque chose à trouver. Sans cette excitation constante donnée par l’aiguillon de l’inconnu, sans cette soif scientifique sans cesse renaissante, il serait à craindre que le savant ne se systématisât dans ce qu’il a d’acquis ou de connu. Alors la science ne ferait plus de progrès et s’arrêterait par indif-

  1. Pascal, Pensées morales détachées, art. ix-xxxiv.