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applications de la méthode expérimentale.

mation et par déduction purement logique ; la méthode expérimentale procède toujours par le doute et par la vérification expérimentale. Les systèmes et les doctrines sont individuels ; ils veulent être immuables et conserver leur personnalité. La méthode expérimentale au contraire est impersonnelle ; elle détruit l’individualité en ce qu’elle réunit et sacrifie les idées particulières de chacun et les fait tourner au profit de la vérité générale établie à l’aide du critérium expérimental. Elle a une marche lente et laborieuse, et, sous ce rapport, elle plaira toujours moins à l’esprit. Les systèmes au contraire sont séduisants parce qu’ils donnent la science absolue réglée par la logique seule ; ce qui dispense d’étudier et rend la médecine facile. La médecine expérimentale est donc par nature une médecine antisystématique et antidoctrinale, ou plutôt elle est libre et indépendante par essence, et ne veut se rattacher à aucune espèce de système médical.

Ce que je viens de dire relativement aux systèmes médicaux, je puis l’appliquer aux systèmes philosophiques. La médecine expérimentale (comme d’ailleurs toutes les sciences expérimentales) ne sent le besoin de se rattacher à aucun système philosophique. Le rôle du physiologiste comme celui de tout savant est de chercher la vérité pour elle-même, sans vouloir la faire servir de contrôle à tel ou tel système de philosophie. Quand le savant poursuit l’investigation scientifique en prenant pour base un système philosophique quelconque, il s’égare dans des régions trop loin de la réalité ou bien le système donne à son esprit une sorte