Page:Bernard - Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, Baillière, 1865.djvu/358

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
352
applications de la méthode expérimentale.

d’autant plus nécessaire que c’est le seul moyen de fonder la médecine scientifique, et nous sommes malheureusement encore loin du temps où nous verrons l’esprit scientifique régner généralement parmi les médecins. Or, cette absence d’habitude scientifique de l’esprit est un obstacle considérable parce qu’elle laisse croire aux forces occultes dans la médecine, repousse le déterminisme dans les phénomènes de la vie et admet facilement que les phénomènes des êtres vivants sont régis par des forces vitales mystérieuses qu’on invoque à tout instant. Quand un phénomène obscur ou inexplicable se présente en médecine, au lieu de dire : je ne sais, ainsi que tout savant doit faire, les médecins ont l’habitude de dire : C’est la vie ; sans paraître se douter que c’est expliquer l’obscur par le plus obscur encore. Il faut donc s’habituer à comprendre que la science n’est que le déterminisme des conditions des phénomènes, et chercher toujours à supprimer complètement la vie de l’explication de tout phénomène physiologique ; la vie n’est rien qu’un mot qui veut dire ignorance, et quand nous qualifions un phénomène de vital, cela équivaut à dire que c’est un phénomène dont nous ignorons la cause prochaine ou les conditions. La science doit expliquer toujours le plus obscur et le plus complexe par le plus simple et le plus clair. Or, la vie, qui est ce qu’il y a de plus obscur, ne peut jamais servir d’explication à rien. J’insiste sur ce point parce que j’ai vu des chimistes invoquer parfois eux-mêmes la vie pour expliquer certains phénomènes physico-chimiques spéciaux aux êtres vivants. Ainsi le ferment