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considérations spéciales aux êtres vivants.

observe des faits, les rapproche, en déduit des conséquences qu’il contrôle par l’expérience pour s’élever à des propositions ou à des vérités de plus en plus générales. Il faut sans doute que dans ce travail successif le savant connaisse ce qu’ont fait ses devanciers et en tienne compte. Mais il faut qu’il sache bien que ce ne sont là que des points d’appui pour aller ensuite plus loin, et que toutes les vérités scientifiques nouvelles ne se trouvent pas dans l’étude du passé, mais bien dans des études nouvelles faites sur la nature, c’est-à-dire dans les laboratoires. La littérature scientifique utile est donc surtout la littérature scientifique des travaux modernes afin d’être au courant du progrès scientifique, et encore ne doit-elle pas être poussée trop loin, car elle dessèche l’esprit, étouffe l’invention et l’originalité scientifique. Mais quelle utilité pourrions-nous retirer de l’exhumation de théories vermoulues ou d’observations faites en l’absence de moyens d’investigation convenables ? Sans doute cela peut être intéressant pour connaître les erreurs par lesquelles passe l’esprit humain dans son évolution, mais cela est du temps perdu pour la science proprement dite. Je pense qu’il importe beaucoup de diriger de bonne heure l’esprit des élèves vers la science active expérimentale, en leur faisant comprendre qu’elle se développe dans les laboratoires, au lieu de laisser croire qu’elle réside dans les livres et dans l’interprétation des écrits des anciens. Nous savons par l’histoire la stérilité de cette voie scolastique, et les sciences n’ont pris leur essor que lorsqu’on a substitué à l’autorité