Page:Bernard - Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, Baillière, 1865.djvu/249

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
243
considérations spéciales aux êtres vivants.

en particulier. Ce qui veut dire que la loi des grands nombres n’apprend jamais rien pour un cas particulier. Or, ce qu’il faut au médecin, c’est de savoir si son malade guérira, et la recherche du déterminisme scientifique seul peut le conduire à cette connaissance. Je ne comprends pas qu’on puisse arriver à une science pratique et précise en se fondant sur la statistique. En effet, les résultats de la statistique, même ceux qui sont fournis par les grands nombres, semblent indiquer qu’il y a dans les variations des phénomènes une compensation qui amène la loi ; mais comme cette compensation est illimitée, cela ne peut jamais rien nous apprendre sur un cas particulier, même de l’aveu des mathématiciens ; car ils admettent que, si la boule rouge est sortie cinquante fois de suite, ce n’est pas une raison pour qu’une boule blanche ait plus de chance de sortir la cinquante et unième fois.

La statistique ne saurait donc enfanter que les sciences conjecturales ; elle ne produira jamais les sciences actives et expérimentales, c’est-à-dire les sciences qui règlent les phénomènes d’après les lois déterminées. On obtiendra par la statistique une conjecture avec une probabilité plus ou moins grande, sur un cas donné, mais jamais une certitude, jamais une détermination absolue. Sans doute la statistique peut guider le pronostic du médecin, et en cela elle lui est utile. Je ne repousse donc pas l’emploi de la statistique en médecine, mais je blâme qu’on ne cherche pas à aller au-delà et qu’on croie que la statistique doive servir de base à la science médicale ; c’est cette idée fausse qui porte