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de l’expérimentation chez les êtres vivants.

vrir la cause des accidents mortels, afin de s’en rendre maître et d’éviter ces accidents. Alors, si l’on connaît exactement la cause de la guérison et la cause de la mort, on aura toujours la guérison dans un cas déterminé. On ne saurait admettre, en effet, que les cas qui ont eu des terminaisons différentes fussent identiques en tout point. Il y a évidemment quelque chose qui a été cause de la mort chez le malade qui a succombé, et qui ne s’est pas rencontré chez le malade qui a guéri ; c’est ce quelque chose qu’il faut déterminer, et alors on pourra agir sur ces phénomènes ou les reconnaître et les prévoir exactement ; alors seulement on aura atteint le déterminisme scientifique. Mais ce n’est pas à l’aide de la statistique qu’on y arrivera ; jamais la statistique n’a rien appris ni ne peut rien apprendre sur la nature des phénomènes. J’appliquerai encore ce que je viens de dire à toutes les statistiques faites pour connaître l’efficacité de certains remèdes dans la guérison des maladies. Outre qu’on ne peut pas faire le dénombrement des malades qui guérissent tout seuls, malgré le remède, la statistique n’apprend absolument rien sur le mode d’action du médicament ni sur le mécanisme de la guérison chez ceux où le remède aurait pu avoir une action.

Les coïncidences, dit-on, peuvent jouer dans les causes d’erreurs de la statistique un si grand rôle, qu’il ne faut conclure que d’après des grands nombres. Mais le médecin n’a que faire de ce qu’on appelle la loi des grands nombres, loi qui, suivant l’expression d’un grand mathématicien, est toujours vraie en général et fausse