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de l’expérimentation chez les êtres vivants.

sur le mort. Je me rappelle avoir souvent entendu de Blainville s’efforcer dans ses cours de distinguer ce qu’il fallait, suivant lui, appeler un substratum de ce qu’il fallait au contraire nommer un organe. Dans un organe, suivant de Blainville, on devait pouvoir comprendre un rapport mécanique nécessaire entre la structure et la fonction. Ainsi, disait-il, d’après la forme des leviers osseux, on conçoit un mouvement déterminé ; d’après la disposition des conduits sanguins, des réservoirs de liquides, des conduits excréteurs de glandes, on comprend que des fluides soient mis en circulation ou retenus par des dispositions mécaniques que l’on explique. Mais, pour l’encéphale, ajoutait-il, il n’y a aucun rapport matériel à établir entre la structure du cerveau et la nature des phénomènes intellectuels. Donc, concluait de Blainville, le cerveau n’est pas l’organe de la pensée, il en est seulement le substratum. On pourrait, si l’on veut, admettre la distinction de de Blainville, mais elle serait générale et non limitée au cerveau. Si, en effet, nous comprenons qu’un muscle inséré sur deux os puisse faire l’office mécanique d’une puissance qui les rapproche, nous ne comprenons pas du tout comment le muscle se contracte, et nous pouvons tout aussi bien dire que le muscle est le substratum de la contraction. Si nous comprenons comment un liquide sécrété s’écoule par les conduits d’une glande, nous ne pouvons avoir aucune idée sur l’essence des phénomènes sécréteurs, et nous pouvons tout aussi bien dire que la glande est le substratum de la sécrétion.