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considérations spéciales aux êtres vivants.

étrangers aux idées scientifiques ? Tous les sentiments sont respectables, et je me garderai bien d’en jamais froisser aucun. Je les explique très bien, et c’est pour cela qu’ils ne m’arrêtent pas. Je comprends parfaitement que les médecins qui se trouvent sous l’influence de certaines idées fausses et à qui le sens scientifique manque, ne puissent pas se rendre compte de la nécessité des expériences et des vivisections pour constituer la science biologique. Je comprends parfaitement aussi que les gens du monde, qui sont mus par des idées tout à fait différentes de celles qui animent le physiologiste, jugent tout autrement que lui les vivisections. Il ne saurait en être autrement. Nous avons dit quelque part dans cette introduction que, dans la science, c’est l’idée qui donne aux faits leur valeur et leur signification. Il en est de même dans la morale, il en est de même partout. Des faits identiques matériellement peuvent avoir une signification morale opposée, suivant les idées auxquelles ils se rattachent. Le lâche assassin, le héros et le guerrier plongent également le poignard dans le sein de leur semblable. Qu’est-ce qui les distingue, si ce n’est l’idée qui dirige leur bras ? Le chirurgien, le physiologiste et Néron se livrent également à des mutilations sur des êtres vivants. Qu’est-ce qui les distingue encore, si ce n’est l’idée ? Je n’essayerai donc pas, à l’exemple de Le Gallois[1], de justifier les physiologistes du reproche de cruauté que leur adressent les gens étrangers à la science ; la différence des idées ex-

  1. Le Gallois, Œuvres, Paris, 1824. Avant-propos, p. xxx.