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du raisonnement expérimental.

causa, tollitur effectus. C’est ce qu’on appelle encore l’experimentum crucis.

Il ne faut pas confondre la contre-expérience ou contre-épreuve avec ce qu’on a appelé l’expérience comparative. Celle-ci, ainsi que nous le verrons plus tard, n’est qu’une observation comparative invoquée dans les circonstances complexes afin de simplifier les phénomènes et de se prémunir contre les causes d’erreur imprévues ; la contre-épreuve, au contraire, est un contre-jugement s’adressant directement à la conclusion expérimentale et formant un de ses termes nécessaires. En effet, jamais en science la preuve ne constitue une certitude sans la contre-épreuve. L’analyse ne peut se prouver d’une manière absolue que par la synthèse qui la démontre en fournissant la contre-épreuve ou la contre-expérience ; de même une synthèse qu’on effectuerait d’abord, devrait être démontrée ensuite par l’analyse. Le sentiment de cette contre-épreuve expérimentale nécessaire constitue le sentiment scientifique par excellence. Il est familier aux physiciens et aux chimistes ; mais il est loin d’être aussi bien compris par les médecins. Le plus souvent, quand en physiologie et en médecine on voit deux phénomènes marcher ensemble et se succéder dans un ordre constant, on se croit autorisé à conclure que le premier est la cause du second. Ce serait là un jugement faux dans un très grand nombre de cas ; les tableaux statistiques de présence ou d’absence ne constituent jamais des démonstrations expérimentales. Dans les sciences complexes comme la médecine, il faut faire en même temps usage