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du raisonnement expérimental.

minable dans ses conditions d’existence, n’est ni plus ni moins que la négation de la science. De sorte qu’en présence d’un tel fait un savant ne doit jamais hésiter ; il doit croire à la science et douter de ses moyens d’investigation. Il perfectionnera donc ses moyens d’observation et cherchera par ses efforts à sortir de l’obscurité ; mais jamais il ne pourra lui venir à l’idée de nier le déterminisme absolu des phénomènes, parce que c’est précisément le sentiment de ce déterminisme qui caractérise le vrai savant.

Il se présente souvent en médecine des faits mal observés et indéterminés qui constituent de véritables obstacles à la science, en ce qu’on les oppose toujours en disant : C’est un fait, il faut l’admettre. La science rationnelle fondée, ainsi que nous l’avons dit, sur un déterminisme nécessaire, ne doit jamais répudier un fait exact et bien observé ; mais par le même principe, elle ne saurait s’embarrasser de ces faits recueillis sans précision, n’offrant aucune signification, et qu’on fait servir d’arme à double tranchant pour appuyer ou infirmer les opinions les plus diverses. En un mot, la science repousse l’indéterminé ; et quand, en médecine, on vient fonder ses opinions sur le tact médical, sur l’inspiration ou sur une intuition plus ou moins vague des choses, on est en dehors de la science et on donne l’exemple de cette médecine de fantaisie qui peut offrir les plus grands périls en livrant la santé et la vie des malades aux lubies d’un ignorant inspiré. La vraie science apprend à douter et à s’abstenir dans l’ignorance.