Page:Bernard - Brutus.djvu/81

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Inſtruiſez le Senat de ce qu’un pere ordonne,
Inſtruiſez-en un fils que le trépas étonne ;
Tiberinus n’a point aſſez de fermeté
Pour entendre un arreſt par ſon pere dicté ;
De grace, s’il ſe peut, adouciſſez ſa peine.
Titus eſt plus Romain ; faites qu’on me l’ameine,
Qu’il reçoive mon ordre, & mes derniers adieux.

VALERIUS.

J’ay prévû de Brutus cet effort glorieux ;
L’attente du Senat par vous n’eſt point trompée,
Du ſort de vos deux fils Rome entiere occupée
À ne vous rien cacher, murmuroit hautement
Qu’on ſe remiſt ſur vous d’un pareil jugement ;
je venois vous le dire, & ſûr de vôtre zele,
De la haute vertu qui vous eſt naturelle…

BRUTUS.

Seigneur, n’achevez pas. Dans l’état où je ſuis,
Ces éloges cruels augmentent mes ennuis :
Un ſoin trop violent m’agite, & me devore,
Seigneur, & je me pourois me repentir encore ;
Pour remplir vôtre attente, & mon devoir affreux,
Il faut un cœur barbare, autant que genereux.
Allez. J’ay prononcé. Dans un moment peut-être,
De l’amour paternel je ne ſeray plus maître.

VALERIUS.

Mais, Seigneur, votre fils poura vous ébranler.

BRUTUS.

Non, non, il entendra ſon arreſt ſans trembler.
Voudroit-on m’empêcher de voir un fils que j’aime,
Lorſqu’il eſt à la mort condamné par moy-même ?
Faites tout preparer.