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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

selon vos lumières… Je ne puis m’en remettre à vous… Je dois… il faut… il est nécessaire que je m’ouvre de tout ceci à nos supérieurs. Mon appui vous sera de peu ! D’autre part, vous devrez ne dissimuler rien. Dès lors… ah ! dès lors !… qui sait quand vous l’emporterez enfin sur la défiance des uns, la pitié des autres, la contradiction de tous ! L’emporterez-vous même jamais ? Me serais-je trompé sur vous ? Ai-je encore trop attendu ! Un vieillard ne peut plus manquer sa vie. Mais j’aurai manqué ma mort.

L’abbé Donissan sortit enfin de son silence. Loin de le confondre, ce dernier doute exprimé lui rendait visiblement courage. Il objecta timidement :

— Je ne désire rien tant que l’oubli, l’effacement, la vie commune, mes devoirs d’état. Si vous le vouliez, qui m’empêcherait de redevenir ce que j’étais avant ? Qui se soucierait de moi ? Je n’attire l’attention de personne. J’ai la réputation que je mérite d’un prêtre bien simple, bien borné… Ah ! si vous le permettiez, il me semble que j’arriverais à passer inaperçu même du bon Dieu et de ses anges !

— Inaperçu ! s’écria doucement l’abbé Menou-Segrais (il souriait, mais avec des yeux pleins