Page:Bernanos - Sous le soleil de Satan, tome 2, 1926.djvu/79

Cette page a été validée par deux contributeurs.
87
LA TENTATION DU DÉSESPOIR

quelques pas dans sa chambre. Son vicaire demeurait debout, à la même place.

— Mon petit enfant, dit le vieux prêtre, que de périls vous attendent ! Le Seigneur vous appelle à la perfection, non pas au repos. Vous serez de tous le moins assuré dans votre voie, clairvoyant seulement pour autrui, passant de la lumière aux ténèbres, instable. L’offre téméraire a été, en quelque manière, entendue. L’espérance est presque morte en vous, à jamais. Il n’en reste que cette dernière lueur sans quoi toute œuvre deviendrait impossible et tout mérite vain. Ce dénuement de l’espérance, voilà ce qui importe. Le reste n’est rien. Sur la route que vous avez choisie — non ! où vous vous êtes jeté ! — vous serez seul, décidément seul, vous marcherez seul. Quiconque vous y suivrait, se perdrait sans vous secourir.

— Je n’ai pas demandé cela, s’écria le futur saint de Lumbres, avec une violence soudaine. (Par un contraste véritablement pathétique, sa voix restait sombre et volontaire.) Je n’ai pas sollicité ces grâces singulières. Je n’en veux pas ! Je ne désire pas de miracles ! Je n’en ai jamais demandé ! Qu’on me laisse donc vivre et mourir dans la peau d’un pauvre homme qui ne sait ni