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SOUS LE SOLEIL DE SATAN

Vous ne parlez tant que pour vous tromper vous-même et me tromper avec vous. Laissons cela. Mais je sais que vous n’êtes pas homme à vous payer de mots. Cette violence suppose quelque résolution, quelque projet, quelque acte peut-être, que je veux connaître.

Ce coup porta si juste que l’abbé Donissan leva vers son doyen un regard éperdu. Mais le vieillard subtil et fort poursuivait déjà :

— De quelle manière avez-vous réalisé dans votre vie des sentiments dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils sont troubles et dangereux ?

Le jeune prêtre se tut.

— Je vous mettrai donc sur la voie, reprit M. Menou-Segrais. Vous commençâtes par des mortifications excessives. Puis vous vous êtes jeté dans le ministère avec une égale frénésie. Les résultats que vous obteniez réjouissaient votre cœur. Ils eussent dû vous rendre la paix. Cependant vous ne la connaissiez pas encore ! Dieu ne la refuse jamais au bon serviteur, à la limite de ses forces. L’auriez-vous donc, délibérément refusée ?

— Je ne l’ai pas refusée, répliqua l’abbé Donissan, avec effort. Je suis plutôt disposé