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LA TENTATION DU DÉSESPOIR

Donissan avec calme, sans paraître s’apercevoir combien de telles paroles étaient éloignées de son ton habituel de déférence et d’humilité. Je ne puis douter de la volonté qui me presse, ni du sort qui m’attend.

Le regard de l’abbé Menou-Segrais eut cette joie du chercheur qui entrevoit soudain la solution longtemps cherchée.

— Quel sort vous attend donc, mon fils ?

Le vicaire haussa légèrement les épaules.

— Je ne vous demanderai pas votre secret. J’en aurais eu le droit jadis. À présent nous changeons de route, vous et moi, et déjà vous ne m’appartenez plus.

— Ne parlez pas ainsi, murmura l’abbé Donissan, les yeux sombres et fixes. Où que j’aille, si profondément que je m’enfonce, — oui — dans les bras mêmes de Satan, je me souviendrai de votre charité.

Puis, comme si l’image qui s’emparait de son esprit l’agitait trop douloureusement et qu’il voulût la fuir (ou peut-être l’affronter), il se mit brusquement debout.

— Est-ce là votre secret, s’écria M. Menou-Segrais, est-ce là ce que vous prétendez tenir de Dieu ! Ai-je bien compris que vous blasphé-